Sauvé du suicide

Sauvé du suicide !

Je certifie, moi qui écris ces lignes, qu’un homme du Nord m’a tenu ce langage, à Paris, dans ce XVe arrondissement à un cinquième étage, alors que je faisais du colportage de porte en porte, un dimanche après-midi. C’était il y a dix ans. J’habitais avec ma femme et mes enfants rue Vaugirard.

J’étais malheureux en ménage ; le cafard m’avait pris. Alors j’avais décidé de me jeter dans le canal St Martin. J’ai demandé une permission à l’usine afin de quitter mon travail à 17 heures. On était en décembre et je suis rentré chez moi. J’ai griffonné quelque chose pour ma femme à la cuisine, et me voilà dehors. Il était loin ce canal. J’ai pris le métro, l’affaire de vingt minutes. J’étais bien décidé vous savez. Ça ne pouvait plus continuer.

Voilà qu’à l’arrêt suivant monte un homme comme il n’y en a pas beaucoup, âgé, voûté, une moustache de général de la guerre 39-40, une cape un peu verdâtre sur les épaules, un front comme le général de Gaulle, et des yeux bons, bons… Un quart d’heure il m’a regardé, là, simplement. Impossible de supporter ce regard. Ça pleuvait sur moi comme une lumière douce, douce et pénétrante. Rien que ça, sans un mot, je vous l’assure, un regard. Tenez, je me rappelle que son chapeau noir était à l’envers, le nœud devant, mais ça ne fait rien ; j’étais drôlement tourmenté. Tout à coup on a dit :

— Terminus… alors, vous ne descendez pas ? Mais descendez !

Je suis sorti sous la pluie et dans la nuit. L’homme avait disparu. J’ai marché, marché comme un fou, courbé en deux et brassant la boue. J’avais l’impression que ce regard d’homme me courait après. Là, dans les terrains vagues, je vis une église comme une ombre froide ! Ça a été plus fort que moi.

Je suis entré. À peine dedans, je me suis effondré sur les dalles au pied d’un mur de l’enceinte ! Je pleurais devant la lumière de ce regard bleu, le regard doux de cet homme inconnu. Le canal ne m’a pas vu, parce que je suis rentré avant ma femme, heureusement. J’ai brûlé le papier, et je n’ai plus rien dit. Ma femme m’a trouvé couché. Mais cette nuit, mon pauvre monsieur, je m’en souviendrai longtemps.         J’essayais de dormir, mais pas moyen ! Ce regard de lumière me poursuivait. J’ai cherché l’homme. Je disais :

— Vous n’avez pas vu cet homme grand avec une cape et des moustaches grises ?

On me répondait :

— Non.

Un jour, je l’ai rencontré. C’était un lundi soir, dans la rue Pierre Bonté. Oui, c’était lui, sous la pluie, à 8 heures du soir. Avec des grands gestes de ses bras en croix, il invitait les passants à entrer dans une cour. Au fond de la cour, c’était son Foyer, je le connais maintenant, on pénétrait dans une grande salle éclairée. Encore de la lumière ! Je suis entré. Je me suis blotti là, au fond, du côté gauche.

Ah mon Dieu ! Des chants, des chants, et puis l’homme est monté sur l’estrade. Mon regard, pour le coup, s’est accroché à son visage. Il parlait, il lisait l’Évangile, il expliquait. Tout était pour moi, tout pour les candidats au suicide comme moi. J’ai encore pleuré, pleuré, puis ri. Oui, j’ai ri, parce que cette lumière, maintenant, je la sentais en moi comme un volume de joie dorée et chaude.

Après la réunion, j’ai foncé tout de suite sur lui, le pasteur. Il m’a regardé, j’ai tout raconté. Alors il m’a dit comme ça tout simplement :

— Oui, je priais pour vous dans le métro, je priais pour vous. Voilà, monsieur, comment je suis devenu chrétien.

Ouvrons sur le monde nos deux yeux purifiés et notre cœur lavé, les vannes de la lumière et de l’amour de Dieu.

Tous connaîtront que vous êtes mes disciples, si vous avez de l’amour les uns pour les autres. Jean 13 :31-35.

 

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Jean-Louis Gaillard
www.www.365histoires.com
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